Témoignage
La démarche d’entreprendre : agir pour inventer sa vie
Par Hamid METADJER – Chargé de partenariats – Cité des métiers de Paris – Cité des Sciences et de l’Industrie
- Le concept développé : l’Innov’action
Dans un contexte de crise de l’emploi, il est important de développer l’esprit d’entreprendre chez les jeunes. Cela passe par la mise en place d’actions de sensibilisation, d’accompagnement, voire de formation des 15-25 ans à l’implication et à la responsabilisation afin d’agir et de pouvoir se réaliser dans une société en perpétuel changement.
L’enjeu consiste à inciter les jeunes générations à exploiter leurs talents d’ « Innov’acteurs » pour inventer leur activité professionnelle et se forger un esprit souple et créatif et s’adapter au marché de l’emploi.
- La création d’une conférence sur l’art rupestre du Sahara
Depuis 2004, j’occupe la fonction de chef de projet au sein de l’établissement culturel parisien Universcience. Établissement public rassemblant le Palais de la découverte et la Cité des sciences et de l’industrie, Universcience a pour mission de rendre les sciences accessibles à tous. Il propose des expositions temporaires ou permanentes à la muséographie innovante, des conférences, des éditions, des espaces dédiés aux enfants, aux ressources documentaires et numériques, aux services dans les domaines de la santé et de l’orientation professionnelle et à l’expérimentation d’outils innovants. En 2006, un bilan de compétences me fait réaliser que je suis intéressé par le marketing et le commercial dans le secteur du voyage et du tourisme. Je concrétise cette affinité en proposant une conférence sur l’art rupestre du Sahara à la Cité des sciences et de l’industrie. En effet, l’assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) décida que 2006 était l’Année internationale des déserts et de la désertification. Ma connaissance touristique et culturelle du Sahara m’amena à réfléchir à un projet de conférence scientifique et culturelle sur le thème de l’art rupestre afin de célébrer cet événement. Profitant de la manifestation nationale « Fête de la science », je décidais d’animer cette conférence à la Cité des sciences et de l’industrie de Paris de la Villette du 9 au 15 octobre 2006. Cette conférence proposait un voyage dans la préhistoire à la découverte des peintures et gravures rupestre du Sahara il y a 14000 ans. Quelques personnes désireuses d’approfondir le sujet me demandèrent des adresses d’agences de voyages spécialisées dans le Sahara pour découvrir les peintures et gravures rupestres. Cette demande me motiva à imaginer un séjour touristique culturel et scientifique destiné à un groupe de touristes réduit.
- La création d’un voyage culturel de découverte du Sahara
Mon projet reposait sur la conception d’un séjour archéologique et scientifique au Sahara portant le titre : « Sur les traces d’Henri Lhote ». En effet, Henri Lhote, préhistorien français, réalisa durant 16 mois de 1956 à 1957 des relevés des peintures rupestres du plateau du Tassili N’Ajjer près de Djanet dans le sud saharien. Ainsi naquit la première classification des peintures du Sahara central. Le voyagiste Escursia accepta de porter ma proposition consistant à promouvoir le voyage archéologique, scientifique et pédagogique. Ma collaboration avec ce tour-opérateur débuta le 4 avril 2009, date de l’accompagnement scientifique de mon premier séjour sur le plateau des peintures rupestres du Sahara. Cette expérience réussie se renouvela en 2010 avec des groupes restreints allant de 2 à 4 personnes. Cette initiative me poussa à réfléchir à la création d’une structure d’éco-voyages de randonnées pédagogiques et culturelles et à m’initier au marketing et au commercial.
- L’acquisition de réflexes d’entrepreneur créatif
L’obtention en 2010 d’un mastère spécialisé en marketing, à l’Institut des cadres supérieurs de la vente du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) de Paris, me permit d’acquérir tous les réflexes commerciaux nécessaires à la démarche d’entreprendre. La rédaction d’une thèse professionnelle, de création d’une activité de voyages de randonnées culturelles et pédagogiques dans le Bassin méditerranéen, m’apporta une capacité d’audace et d’entrepreneuriat au sein même de mon entreprise. Me conduisant ainsi au développement de nouveaux concepts de médiation entre jeunes et professionnels souhaitant faire connaître le monde de l’entreprise et de l’industrie.
- La création de rencontres « jeunes et entrepreneurs »
5.1 La genèse
Début 2012, afin de répondre à une carence des jeunes dans leur orientation vers les carrières scientifiques et techniques, le directeur de la Médiation scientifique et de l’éducation d’Universcience me demande de réfléchir à des actions de sensibilisation des jeunes aux filières scientifiques, techniques et industrielles. Après lecture d’une étude de 2011 de l’APCE (Agence pour la création d’entreprise), intitulée « Diagnostic des programmes en faveur du développement de l’esprit d’entreprendre », je découvre qu’il existe en France des freins majeurs au développement et à la généralisation d’actions de formation à l’Esprit d’entreprendre dans l’enseignement secondaire. Afin de répondre à la demande de mon directeur, je propose deux hypothèses :
- pour sensibiliser les jeunes aux carrières scientifiques, il faut éveiller leur Créativité, leur Imagination, et leur Esprit d’entreprendre ;
- rien ne remplace l’humain dans la transmission des connaissances et des expériences.
5.2 Les speed meeting « lycéens et entrepreneurs technologiques »
Je développe alors le concept de « Speed meeting Lycéens et entrepreneurs technologiques » qui consiste en des rencontres rapides durant 2h30 entre des professionnels entrepreneurs et des équipes d’élèves autour des thèmes des technologies, de l’ingénierie et de l’industrie. Un speed meeting « Lycéens et entrepreneurs » est une rencontre en face à face entre un professionnel et une équipe de 10 élèves de niveau 3ème à BTS. Toutes les demi‐heures et durant 2h30, huit équipes de 10 élèves s’entretiennent en même temps et successivement avec 8 professionnels répartis autour de 8 tables. En février 2012, je rédige une note d’intention intitulée : « Le club des Entrepreneurs en herbe » qui décrit les étapes de développement de l’esprit d’entreprendre chez les élèves du secondaire, sous la forme d’ateliers de rencontres avec des entrepreneurs. Au printemps 2012, je contacte l’association 100 000 entrepreneurs qui fait intervenir les dirigeants et créateurs pour partager les valeurs de l’entrepreneuriat dans les écoles. Le 12 octobre 2012, 8 entrepreneurs, du réseau de l’association 100 000 entrepreneurs, sont invités à la Cité des sciences et de l’industrie pour animer des speed meetings avec deux classes de 1ère STMG (sciences et technologies de la gestion) du lycée Jules Siegfried de Paris. Six autres rencontres sous la forme de speed meetings se sont enchaînés ensuite à la Cité des sciences et de l’industrie de Paris. Ces rencontres ont été possible grâce aux partenaires : 100 000 entrepreneurs, l’Académie des technologies, le Cercle des entrepreneurs de valeurs (banque KBL Richelieu), l’association JobIRL (Job in real life), la Fabrique de l’industrie, laboratoire d’idées créé en octobre 2011 par l’UIMM, le Cercle de l’industrie et le GFI.
5.3 Une vraie plus-value pour les jeunes
Ces rencontres laissent apparaître qu’une large majorité de jeunes pense avoir renforcé ses connaissances du monde industriel et de l’entreprise. De même, 76% des élèves interrogés affirment qu’ils sont plus intéressés par le monde de l’industrie et de l’entreprise qu’avant ce type de rencontres. Ces rencontres sont aussi l’occasion pour les jeunes de se confronter au mode de langage de l’entreprise et de rencontrer en face à face de grandes figures de l’industrie comme Roland Vardanega, ancien président de PSA PEUGEOT CITROËN ou Alain Bravo, président fondateur de SFR.
5.4 Une découverte ludique pour les entrepreneurs
Les rapports simples et directs avec les lycéens semblent être la première satisfaction des entrepreneurs intervenant à ces rencontres. Une majorité d’intervenants qualifie les dialogues avec les jeunes comme étant « interactifs, sans blocage de génération, concrets ». D’autres relèvent que les jeunes sont « ouverts, intéressés, sans complexe, intéressants, agréables, positifs ». « Des échanges utiles ouverts et directs avec des lycéens très à l’écoute », voilà un autre constat de la part d’entrepreneurs enthousiasmés par ces échanges.
5.5 Une timide mais réelle implication des encadrants des élèves
L’ultra majorité des encadrants des groupes participants aux speed meeting montre une forme de gêne liée à une perte de repères lorsqu’ils accompagnent ce type de rencontre où leurs élèves trouvent une rapide autonomie dans le mode d’échange avec les professionnels. Pourtant, ce rôle inhabituel d’observateur de la part d’acteurs de l’éducation nationale leur fait découvrir des facettes insoupçonnées chez leurs élèves. Un enseignant rapportera d’ailleurs : « Je n’ai jamais vu mes élèves aussi concentrés et aussi impliqués. Je suis fier et encore plus motivé de faire mon métier de professeur ».
- Mon implication vers le transfert de compétences entrepreneuriales
Fort de cette expérience du développement de l’esprit d’entreprendre chez les jeunes, je propose en 2012 au CNAM de Paris d’intervenir comme professeur vacataire en management entrepreneurial pour les programmes de Master marketing dans l’unité d’enseignement « management commercial ». Mon intention était de partager mon expérience du développement de nouveaux projets acquise dans et hors de l’entreprise. Cette expérience étant basée sur la créativité, l’audace, l’utilisation d’outils mercatiques, la démarche de projet, la sollicitation de réseaux d’alliés, la prise de risque, et le sens de la communication de projets.
- La nécessaire solitude du créatif entreprenant
Tout professionnel qui s’engage dans une démarche de créativité et de développement de nouveaux concepts dans ou hors de sa société prend le risque d’essuyer des critiques et d’être déstabilisé par ses collègues, ses proches ou sa hiérarchie. Ces critiques sont logiques et témoignent généralement de peurs du changement, comme : perdre ses repères, son pouvoir, sa crédibilité, sa maîtrise des événements ou sa position dans le groupe.
C’est pourquoi tout « entrepreneur » doit développer une ténacité mêlée de convictions inébranlables afin d’acquérir une résistance « empathique » aux assauts répétés des opposants au changement. C’est la solitude du créatif entreprenant ! Cette solitude est l’unique moyen pour affermir et se forger une croyance indéfectible en son propre projet et au final : Agir pour inventer sa vie !
- La libération de l’entreprenant agissant
L’acceptation de la solitude dans l’acte d’entreprendre devient alors un levier d’action pour diffuser ses convictions entrepreneuriales auprès d’un réseau qui ne cesse de grandir. L’entreprenant devient alors un inspirateur qui se plie aux règles du hasard pour atteindre le lâcher prise. C’est ce « réveil de la Force » qui pousse l’« entreprenant agissant » à repousser ses limites et à s’orienter vers une démarche entrepreneuriale plus solidaire et éthiquement responsable.